Le travail réalisé avec les élèves de 5e (3 classes) s’inscrit dans un EPI (Enseignement de Pratique Interdisciplinaire). Ce cours, dispensé en co-animation par le professeur de français et le professeur documentaliste à raison d’1h hebdomadaire par classe, consiste à aborder l’EMI avec les élèves en s’appuyant sur certains éléments du programme de français cycle 4 (niveau 5e). Chaque séquence permet d’étudier et d’analyser différents médias et de rendre les élèves acteurs de leur apprentissage par l’expression orale et écrite et la conception de documents. Le thème dominant servant de fil conducteur pour l’EPI diffère chaque année (ex. l’homme et la nature, le voyage).
Cet EPI nommé « Les apprentis citoyens » s’est déroulé en trois temps. Les deux premiers trimestres portaient sur l’étude de deux thèmes issus du programme de français :
- la différence (discriminations, stéréotypes, handicaps…)
- les actes héroïques (héros modernes, héros du quotidien)
La sitcom intitulée Héros comme tant d’autres et réalisée au 3e trimestre est l’aboutissement des deux sujets d’étude. Le travail des 3 classes a été réuni dans un seul document final.
Les objectifs de la sitcom
- restituer des connaissances
- développer un regard critique sur des actions liées aux valeurs citoyennes (le civisme, la civilité et la solidarité)
- scénariser des idées par une expression dialoguée et corporelle
- engager les élèves dans une production collaborative audiovisuelle de type fiction afin de sensibiliser un public (spectateurs) sur un sujet prégnant
- développer des compétences techniques et transversales en s’investissant dans la production d’un média
Situation d’apprentissage (méthodes et outils utilisés)
Les outils nécessaires à la réalisation d’un projet collaboratif sont liés à la communication, à la coordination des tâches, au partage de ressources et de connaissances.
Voici les différentes étapes du projet :
L’annonce du projet
Le projet audiovisuel (objectifs et méthodes) est présenté aux élèves.
L’apport théorique
Plusieurs séances sont en premier lieu consacrées à l’apport théorique : le vocabulaire cinématographique, la sitcom (format court) et les spécificités d’une shortcom, les principaux postes d’un tournage (métiers). Cette partie est essentielle pour communiquer avec un langage commun, modéliser et se projeter dans une fonction.
L’écriture du pitch
Pour une 1ère phase de réflexion, la classe se répartit et se concerte en groupes de trois personnes sur une amorce de scénario (unité de temps, de lieu, personnages, actions) et rédige un pitch. Les enseignants fournissent pour cela une fiche méthode papier.
Chaque pitch est présenté et corrigé, ajusté, validé par l’ensemble des élèves. La classe décide par un système de vote quelles pistes de scénario retenir.
Le script
L’enseignant prépare en amont pour chaque classe une maquette sur DIGIPAD et forme les élèves à cet outil collaboratif (approche technique, citoyenne) qui servira de support numérique pour la rédaction du script des différents scénarios, c’est-à-dire les dialogues et les informations techniques nécessaires au tournage de chaque plan.
La classe se répartit à nouveau en groupes. Chacun est responsable d’un scénario et répond aux besoins de la sitcom :
- titre
- caractéristiques physiques et morales des personnages
- sons diégétiques (in et hors champ) : dialogues
- sons extradiégétiques (off) : musique d’ambiance, effets sonores
- description des mouvements des personnages et des expressions
- types de plan
- description du décor et des accessoires, des sons
Pour cet exercice, les enseignants et tous les élèves de chaque classe contribuent dans cet espace mutualisé et accèdent en temps réel au contenu de chacun. Ils génèrent par ce procédé des connaissances collectivement.
=> Modèle PICRAT CT (créative - transforme)
Nous avons proposé 3 actions aux 5e :
- écriture sur pad collaboratif
- recherche documentaire sur des sites pré-sélectionnés (ex. banque de sons sous licence Creative Commons)
- dépôt de fichiers
La préparation du tournage
Chaque élève se positionne en fonction du poste désiré :
- acteur,
- cadreur,
- preneur de son,
- monteur,
- accessoiriste,
- scripte
Nous laissons aux acteurs la possibilité de s’isoler pour s’imprégner de leur personnage et répéter.
Avec l’accord du chef d’établissement, une journée entière banalisée pour chaque classe est programmée pour la réalisation du tournage. Pour respecter le droit à l’image, un document type est rempli et signé en amont du projet par les élèves et les responsables légaux.
Afin de faciliter le tournage des 3 classes, nous décidons au préalable d’utiliser exclusivement le fond vert et quelques accessoires, deux plans fixes (2 caméras) et d’opter pour le tourné-monté dont le principe consiste à filmer tous les plans en continu et à monter en simultanée. Par soucis de propriété intellectuelle, les décors incrustés dans le fond vert sont des photos prises par les élèves dans l’enceinte du collège.
Le tournage
Nous avons établi en amont un partenariat avec Normandie Images (demande effectuée par le biais du CRED 76). Sa présence nous semblait nécessaire tant pour l’apport technique du tourné-monté que matériel.
La classe est divisée en groupes pour le tournage principal et la prise de vue photographique. Un 3e atelier est spécifiquement dédié au générique et aux titres conçus en stop-motion (image par image).
Une fois les élèves formés aux fonctions élémentaires des différents outils, la participation de Normandie Images et des enseignants est minime pour permettre un maximum d’autonomie, d’initiative et de responsabilités aux élèves (quitte à garder des imperfections dans la réalisation notamment technique).
La post-production (hors élèves)
Au terme des trois jours, pour structurer le contenu et finaliser le projet, les rushes des 3 classes sont regroupés et ordonnés dans la timeline du logiciel avec un habillage composé de génériques de début et de fin, de cartons titres, de transitions, de musiques (libres de droit) et d’effets sonores.
La vidéo est téléversée sur PodEduc et mise en lien sur l’ENT du collège.
La sitcom Héros comme tant d’autres :
Contribution à l’éducation à la culture et à la citoyenneté numériques
Ce projet répond aux enjeux de l’éducation à la culture et à la citoyenneté numériques par une double approche : le sujet d’étude en lui-même et la démarche pour atteindre l’objectif.
Le sujet d’étude
→ acquérir une culture de la démocratie et de l’engagement
Une grande part de liberté a été offerte aux élèves pour s’exprimer sur des sujets prégnants en lien avec les valeurs citoyennes. D’un commun accord, ils ont opté pour des situations liées à l’environnement scolaire. Pour pousser l’exercice de la démocratie, un système de vote a été mis en place en vue d’élire les projets de scénarios. Par ailleurs, si certains traitent des comportements liés à l’environnement numérique (ex. sur les réseaux sociaux), ils ont veillé à montrer qu’ils ne sont que le prolongement d’une situation « réelle ».
→ connaître les droits et les devoirs élémentaires
Chaque scénario amenait inévitablement les élèves à porter un regard réflexif sur les droits et les devoirs d’un citoyen. Toutefois, trouver une chute (= piste de résolution) pour chaque histoire a été le plus complexe dans l’écriture surtout lorsqu’elle faisait référence à des textes de loi. Pour tenter d’y remédier, les élèves effectuaient des recherches documentaires pour trouver réponse à une situation donnée.
→ développer son regard critique face à une information (fiabilité, utilité)
→ utiliser du contenu de manière éthique
Certains élèves ont spontanément travaillé sur la circulation de l’information, les rumeurs véhiculées et les conséquences engendrées. Cette approche consistait à mettre en évidence la notion de responsabilité et de respect dont la valeur nécessite de comprendre l’autre. Elle repose aussi sur la reconnaissance de la dignité de chaque personne et sur l’acceptation des différences entre les êtres humains.
La démarche du projet
→ acquérir une culture numérique commune (paysage déterminant les actions et les valeurs)
Travailler avec tous les élèves de 5e tout au long de l’année sur la notion de différence puis d’actes héroïques a permis d’aborder un certain nombre de notions liées à la démocratie, la citoyenneté et à la culture numérique. Toutes les classes avec leur singularité ont été formées avec les mêmes notions. Les outils utilisés ont été volontairement les mêmes pour apporter une cohésion et une équité. Le film était une occasion pour que les élèves s’approprient ces notions avec une vision commune mais également pour permettre à l’enseignant d’évaluer les acquis de certaines compétences.
→ s’initier à une pratique numérique raisonnée
Chaque situation pédagogique intégrant le numérique nécessite un choix éclairé des outils répondant à l’efficacité et au respect de la réglementation.
Prenons l’exemple de DIGIPAD adapté au cadre professionnel : Digipad est un service de la Digitale. Il permet de créer des murs collaboratifs multimédias pour la classe en présentiel, la classe virtuelle ou le travail à distance. Digipad peut être utile pour co-construire du contenu, mutualiser des ressources.
Si cet outil facilite les pratiques pédagogiques, notamment l’écriture collaborative et le partage d’informations, il requiert des précautions d’usages liées au comportement, au respect d’autrui, et à la législation. Pour être en phase avec le RGPD, les élèves se connectent à cet espace sécurisé en ligne par un lien transmis ainsi qu’un code d’accès pour chaque pad et travaillent de manière anonyme pour préserver les données personnelles. L’enseignant (administrateur) peut accéder à l’historique et donc à l’intégralité du contenu. En revanche, dans cet environnement anonyme et collectif, il ne peut pas évaluer l’individu mais l’ensemble du travail réalisé.
→ contribuer au vivre ensemble de manière positive
La réalisation de cette sitcom avait pour vocation d’engager tous les élèves d’un même niveau scolaire dans un projet commun et de sensibiliser avec un regard commun les spectateurs aux valeurs citoyennes. La pédagogie de projet, en l’occurrence ici la réalisation d’un film, est également source de motivation et de valorisation. Cette démarche inclusive permet à chacun de s’impliquer, de co-créer, de coopérer en fonction des compétences qui lui sont propres et de ce fait de contribuer positivement au vivre ensemble.
