Introduction
Il est souvent difficile pour les enseignants d’aborder la question de l’expression écrite de manière satisfaisante, d’une part parce que nos corrections sont par la force des choses lacunaires et, d’autre part, parce que la remédiation proposée n’est jamais suffisante, faute de temps, ni véritablement individualisée.
Pour les élèves, le travail au brouillon, qui demande de la méthode, est souvent négligé, tout comme la relecture des copies par manque d’outils appropriés.
La plateforme Écrivor a été conçue par ses concepteurs (Alix Callies , professeur de français, et Thomas Ricart, développeur) comme un outil permettant de pallier ces difficultés ou ces freins à l’écriture, aussi bien pour les élèves que pour leurs professeurs.
Présentation générale
Écrivor est une plateforme qui respecte le RGPD et le cadre d’usage de l’IA en éducation, en cours d’accrochage au GAR, soutenue par le Ministère de l’Éducation Nationale via le dispositif Edu’Up (dispositif de soutien à la production de ressources numériques pour l’École, définies comme des contenus, services ou outils numériques liés aux activités d’enseignement et à l’acquisition des connaissances et compétences des élèves).
Les objectifs
- Travailler et développer les compétences scripturales en adoptant, grâce aux retours de l’IA, des stratégies d’écriture et de réécriture efficaces qui prennent en compte aussi bien le respect de la langue que celui des consignes, sans négliger la cohérence du texte.
- Se former au numérique, à l‘utilisation du traitement de texte et à un usage raisonné de l’IA qui n’écrit pas à la place de l’élève mais lui permet d’améliorer ses écrits.
Un exemple d’activité en français : la rédaction d’une lettre
Descriptif de l’activité :
Dans le cadre de l’étude de l’autobiographie en classe de 3ᵉ, les élèves ont d’abord analysé le texte liminaire des Confessions de Jean-Jacques Rousseau, puis un extrait d’Histoire de ma vie dans lequel George Sand exprime sa conception de l’autobiographie tout en critiquant celle de son prédécesseur.
À l’issue de cette lecture croisée, un travail d’écriture leur a été proposé : rédiger une lettre fictive de Rousseau à George Sand, dans laquelle il répondrait aux reproches formulés et défendrait sa propre démarche autobiographique.
En travail préparatoire à la maison, les élèves devaient trouver le plan de leur lettre en s’appuyant sur les analyses de textes faites en classe et sur la biographie de l’auteur. Ils avaient également à leur disposition une fiche méthodologique sur la rédaction d’une lettre privée.
En classe, les élèves ont ensuite rédigé le brouillon de leur lettre à l’aide de leur plan. A la fin de la séance, les brouillons ont été ramassés puis redistribués lors de la séance suivante pour être saisis en salle informatique sur Écrivor.
Écrivor côté prof : Préparation de l’activité :
- Après avoir au préalable créé la classe en important les prénoms des élèves, j’ai créé ensuite l’activité en indiquant le niveau, la matière et en sélectionnant « écrit libre ».
- J’ai écrit les consignes dans le volet dédié.
- J’ai désactivé l’accès aux ressources car les élèves avaient à leur disposition tout ce dont ils avaient besoin (l’option est intéressante si l’on veut faire travailler l’écrit à partir de supports comme des vidéos, par exemple, ce qui n’était pas mon cas.)
- Pour le volet « Améliorer », j’ai conservé les critères par défaut et j’en ai ajouté un qui tenait compte de la présentation de la lettre, évaluée pour ce devoir, en rédigeant un prompt le plus précis possible.
- J’ai sélectionné tous les critères du volet « Corriger ».
- Même chose pour le volet « Analyse ».
- Dans les paramètres, j’ai précisé une longueur minimale pour cet écrit, à savoir 160 mots, afin d’éviter les rédactions indigentes.
Une fois l’activité préparée, je l’ai attribuée aux élèves en définissant une date de réalisation et leur ai transmis via l’ENT le lien de l’activité ainsi que leur code personnel pour y accéder.
Écrivor côté élèves : prise en main de l’outil et réécriture des textes à partir des feedbacks de l’IA
Une production moins ambitieuse en amont aurait sans doute permis aux élèves de mieux se familiariser avec Écrivor et d’être plus à l’aise avec l’outil. C’est donc en tâtonnant et pour certains avec mon aide, que les élèves ont fait le travail de correction et d’amélioration de leur production.
Globalement, les élèves, pour ce premier travail sur Écrivor, n’ont pas passé beaucoup de temps à la réécriture de leur texte. La partie « Améliorer » en particulier, n’a pas donné lieu à d’importants changements, malgré les propositions de l’IA.
Les feedbacks donnés sont pourtant très intéressants pour peu que les élèves les lisent en entier.
Voici un exemple :
En cliquant sur une catégorie (ici les caractéristiques de la lettre), l’élève accède à des conseils qui vont lui permettre d’améliorer son texte, souvent en lui proposant des (re)formulations possibles.
Il est intéressant de constater qu’aucun retour de l’IA ne fait mention de l’anachronisme évident du « stylo ». Contrairement à l’enseignant pour qui cela relève de l’implicite, l’IA doit être guidée par des prompts précis pour relever ce type d’erreur.
Les élèves ont ensuite passé plus de temps sur la partie « Corrections » des erreurs d’orthographe.
Là encore, les erreurs étaient répertoriées selon des catégories (accord sujet/verbe, orthographe, ...) et les élèves étaient amenés à corriger les mots fautifs en bleu pour les faire devenir verts. Dans l’exemple ci-dessus, on peut noter que l’IA interprète « disa » (entouré en rouge) comme une faute d’orthographe et non comme une faute de conjugaison.
De la même manière « eu » (entouré en rouge) est répertorié comme une faute d’accord sujet-verbe alors que c’est avant tout ici une faute de temps.
Si nous examinons maintenant les corrections apportées par l’élève dans les deux captures d’écran données à titre d’exemples ci-dessus, on constate que :
- toutes les erreurs n’ont pas été corrigées après plusieurs essais infructueux ;
- la construction maladroite de la 1e phrase du 1er paragraphe induit en erreur l’IA qui interprète l’auxiliaire « avait » comme un adverbe (« avant »).
- la faute de temps « eu(t) volé » disparaît au profit d’une forme tout aussi fautive (« eût volé » n’est en effet pas devenu verte, mais simplement noire comme s’il n’y avait pas eu d’erreur sur cette forme verbale).
L’intérêt de la plateforme pour le professeur est qu’il peut donc visualiser quels ont été les types d’erreurs et quelles sont celles qui ont été corrigées, pour pouvoir proposer, ultérieurement, des activités de remédiation.
La capture d’écran ci-dessous (sur un autre travail) est un bon exemple de ces corrections. En effet, les concepteurs d’Écrivor en ont amélioré la présentation, depuis la réalisation de notre activité, afin de rendre l’analyse plus fine.
Enfin, Écrivor propose en outre pour l’enseignant une analyse des écrits sous la forme d’un tableau synthétique :
Conclusion
Malgré les quelques détails que nous avons relevés qui nous rappellent que l’IA peut se tromper et que l’expertise de l’enseignant doit toujours être de mise dans ce type d’activité, les feedbacks proposés par Écrivor sont des outils précieux pour les élèves mais aussi pour les enseignants qui gagnent un temps non négligeable dans la phase de travail au brouillon avec cet assistant pédagogique.
Mais ce n’est pas son seul intérêt. On peut imaginer d’autres possibilités : une correction de dictée où les élèves taperaient leur texte sur Écrivor pour essayer de trouver par eux-mêmes la bonne orthographe avant une correction collective dispensée par le professeur qui reviendrait sur les principales règles ; une correction de rédaction, après évaluation par le professeur et sans doute beaucoup d’autres encore...
Les exemples donnés ici concernent le français mais l’utilisation d’Ecrivor n’est pas limitée à cette seule matière et peut être envisagée dans d’autres disciplines dès lors qu’il s’agit pour l’élève de mettre en œuvre des compétences scripturales.
Par ailleurs, cet outil est en constante amélioration en fonction des remontées faites par les professeurs utilisateurs.
L’usage de la plateforme est gratuit pendant sa phase de développement, pour toute l’année 2025-2026. Une expérimentation de l’accès via le médiacentre de l’ENT est organisée dans l’académie de Normandie à partir de janvier 2026.
Pour plus d’informations, vous pouvez consulter cet article du Café Pédagogique.













